J’ai travaillé plus d’une dizaine d’années pour des grands groupes internationaux, pour lesquels j’étais en charge de développer leurs marques. On parlait image de marque, publicité, packaging, événement. Et inévitablement on se posait beaucoup de questions : quelle est la meilleure couleur pour ce packaging, quelle image sera la plus accrocheuse pour notre publicité, quel nom choisir pour notre nouveau produit ?
Toutes ces questions sont essentielles parce qu’elles ont un impact direct sur le succès de la marque. Et compte tenu des sommes en jeu, nous voulions tout valider en amont.
Et le meilleur moyen pour valider ces idées, c’est de faire appel à un cabinet d’étude pour qu’il organise un test consommateurs.
Donc j’ai participé à des dizaines et des dizaines de tests consommateurs. Plus particulièrement à des tests qu’on appelle aussi Focus Group.
En gros, on réunit dans une même pièce 6 à 8 consommateurs et on discute avec eux de la problématique du jour, que ce soit le dernier packaging ou la dernière publicité pour notre produit.
Ce que j’ai appris ces tests, c’est que dans 80% des cas, l’option que nous préférions, celles que nous pensions voir inévitablement choisie par les consommateurs, et bien n’était pas du tout celle qu’ils choisissaient. En gros, malgré toutes les informations et toutes les connaissances que nous avions de la marque, du marché et de nos consommateurs, et bien dans 80% des cas, nous nous trompions.
Ça vous donne une idée de l’importance de valider nos idées préconçues…
Alors bien sûr, je vous parle de grands groupes qui avaient de gros budgets marketing et donc qui pouvaient se permettre de faire appel à des cabinets d’étude pour valider la moindre de leurs idées.
Je me doute, que ce n’est pas votre cas, là tout de suite, même si je vous souhaite toute la réussite du monde.
Mais ce que j’ai aussi appris en assistant à tous ces tests consommateurs, c’est qu’il est tout à fait envisageable d’en organiser un soi-même avec quasi 0 budget.
Et c’est ce dont je voudrais vous parler dans l’épisode d’aujourd’hui.
Quanti vs quali
Alors commençons par le début, qu’est-ce que c’est qu’un focus group?
Pour faire simple, il existe deux grands types de test conso : les tests quantitatifs et les tests qualitatifs.
Le premier c’est typiquement celui dans lequel vous répondez à un questionnaire. Là on va chercher de l’information mesurable : x% des conso sont satisfaits très satisfait, satisfaits, peu satisfaits, ou carrément déçus. Vous voyez le genre d’infos qu’on récupère.
Et le second test, le test qualitatif, va nous donner un ressenti, une tendance, une émotion. On n’aura pas grand-chose à traduire en pourcentage, mais on essaiera de comprendre comment fonctionne les gens. C’est typiquement ce qu’on fait dans un focus group.
Pourquoi un focus group ?
Je suis sûre, en tous cas j’espère, que vous vous posez plein de questions sur votre audience, sur votre marque et peut être sur votre prochain projet de com’. Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de voir ensemble comment organiser un focus group sans passer par un cabinet d’étude. En gros, comment vous transformer le temps de ce focus group en cabinet d’étude.
Alors, on est d’accord, ce ne sera pas parfait. Les cabinets engagent souvent des personnes qui ont une formation en psychologie ou en sociologie pour animer ces focus group. Mais ce n’est pas grave, même si le résultat ne sera pas parfait, si on s’organise bien il nous permettra d’obtenir plein plein d’infos super intéressantes. Et surtout de valider qu’on va dans la bonne direction.
Je vous propose de voir ensemble quelles sont les questions à se poser avant de se lancer dans l’organisation d’un focus group, comment créer son guide d’entretien pour poser les bonnes questions, quelles sont les techniques d’animation pour garder l’attention de tout le monde et puis quel est le matériel indispensable à prévoir pour que tout se passe bien.
Objectif
La première question à se poser, et probablement la plus importante : quel est l’objectif de votre focus group ? Ça paraît simple comme ça, mais ça ne l’est pas tant que ça. Bien définir ce que vous cherchez à valider ou à découvrir est crucial pour la réussite de votre étude. Votre objectif doit être définit de façon ultra précise. Le risque sinon, ce sera de trop en rajouter et de se perdre dans la discussion.
Par exemple, si votre objectif est de valider le visuel de votre prochaine pub, restez focalisé sur vos visuels et le message que vous voulez faire passer.
Puisque vous avez des clients juste là sous la main, vous serez peut-être tentée de leur demander ce qu’ils pensent de votre nouveau packaging ou du nom de votre marque. Attention, c’est là qu’on dérape. Un focus group ne dure généralement pas plus d’une heure trente, deux heures. Ça peut vous paraître long, mais croyez-moi ça passe à la vitesse de la lumière. N’oubliez pas que vous avez 6 à 8 personnes devant vous, qui auront toutes une opinion à exprimer pour chacune de vos questions, et en plus de ça il se peut qu’il y ait parfois débat entre ces personnes.
Guide d’entretien
Donc pour que vous ressortiez de la séance avec les informations que vous êtes venue chercher, et bien il faut vraiment vous focaliser sur votre objectif.
Alors bien sûr, ça ne veut pas dire n’avoir qu’une question à poser, du genre “que pensez-vous de cette pub”. Ca n’aurait pas de sens et vous n’obtiendriez que des réponses toutes faites, sans grand intérêt probablement.
Non, pour recueillir de vraies informations, il vous faut identifier l’ensemble des éléments nécessaires à la réalisation de votre objectif.
Je m’explique : si on reste sur votre objectif de validation de votre visuel de publicité, vous aurez probablement besoin de savoir quelle représentation vos clients ont de la marque a priori (c’est à dire avant de voir vos visuels de pub).
Et pour ce qui est des visuels à proprement parler, vous voudrez peut-être savoir ce qu’ils en comprennent ou ce qu’ils retiennent en n’ayant vu les visuels que 3 seconds, parce que la réalité c’est qu’ils ne verront peut-être pas cette pub plus longtemps.
Et puis tout de même, vous allez vouloir rentrer plus en détail sur les différents éléments des visuels et le message qui en ressort. Vous voudrez peut-être aussi décortiquer le claim, vous savez cette petite phrase d’accroche que vous aurez sûrement intégré à votre pub.
Bref, pour répondre à votre objectif il va vous falloir comprendre différents éléments. Ici ça nous fait au moins 4 éléments : l’image de marque avant de voir la pub, la compréhension immédiate du visuel, la compréhension en détail et l’analyse du claim.
Et chaque question que vous allez poser à vos clients correspondra à l’un de ces éléments.
Une fois que vous aurez identifié tous ces éléments, c’est-à-dire toutes ces questions, tous ces thèmes pour lesquels il vous faut des réponses, et bien il sera temps de construire votre guide d’entretien.
Alors un guide d’entretien qu’est-ce que c’est ? Et bien c’est la trame de votre focus group. Vous avez une heure trente à deux heures avec un petit groupe de personne. Vous n’allez clairement pas, ou en tous cas je vous le déconseille fortement, vous n’allez pas débarquer tout sourire et juste lancer la conversation en espérant que toutes les informations dont vous avez besoins vont surgir spontanément.
Non, ce serait merveilleux, mais ça ne se passera pas comme ça. Il faut vous voir comme la chef d’orchestre du focus group. Vous êtes l’hôte qui accueille et met tout le monde à l’aise, qui s’assure que chaque personne est entendue et qui oriente la conversation.
Et pour que tout se passe bien, vous allez réfléchir à l’ordre dans lequel vous souhaitez aborder les différents thèmes et comment vous souhaitez les aborder.
Techniques d’animation
Je dis comment parce qu’il y a différentes façons de poser des questions et différentes techniques pour vous permettre d’obtenir de vraies réponses.
Donner la parole à tous
Le premier principe fondamental, c’est de s’assurer que tout le monde a la parole et que tout a été dit. On est tous différents. Dans les personnes que vous accueillez il y aura peut-être des gens très à l’aise pour parler et d’autres moins. Il faut absolument vous assurer que tout le monde, même ceux qui sont un peu moins à l’aise ont dit tout ce qu’ils avaient à dire.
L’un des risques principaux lors d’un focus group, c’est d’avoir un invité qui est particulièrement à l’aise, qui a toujours un truc à dire, et qui prends les rênes de l’entretien. Ne laissez surtout pas ça arriver. D’une part cela va orienter tout le groupe vers ce que pense cette personne, alors que ce que vous voulez c’est justement l’avis de tout le monde. Et puis clairement ça risque d’inhiber un peu plus ceux ou celles qui seraient moins à l’aise à l’oral.
La relance
Autre technique toute simple mais bien utile. Lorsque vous allez poser une question, vous allez probablement recevoir quelques réponses et puis ça retombera peut-être aussi sec. Une façon simple de relancer la conversation sans l’orienter c’est de répéter ou de reformuler ce qui vient juste d’être dit. Je vous le disais en intro, ce sont souvent des psychologues de formation qui animent ces entretiens. Donc à la manière d’un psychologue vous pouvez relancer en répétant ce qui vient juste d’être dit.
Par exemple, une personne vous dit : « je trouve ce visuel ennuyeux », bon évidemment vous voulez en savoir plus mais elle n’en dit pas plus. Répétez juste « hum ce visuel est ennuyeux » et hop automatiquement la personne va se sentir obligée de développer. Et comme vous aurez aussi regardé les autres personnes au moment où vous avez dit ça, elles se sentiront invitées à réagir à leur tour et à donner leur avis.
Écrire
Troisième technique très utile : écrire sur un paperboard.
Alors ok, ça fait peut-être un peu vieillot, si vous préférez écrire sur votre ordi et projeter sur un écran pourquoi pas, c’est vous qui voyez. Mais l’idée c’est que d’écrire ce qui est dit par vos invités va les aider à structurer leur pensée. Ecrire ça ancre les idées et ça permet aussi à tous de réagir, et de revenir sur un point qui n’aurait pas été totalement creusé.
En plus de ça, ça vous permettra de vous assurer que vous avez bien compris ce qui vient d’être dit. Vous n’allez évidemment pas retranscrire mot à mot, vous allez écrire les idées principales. C’est déjà une forme de synthétisation. Si vous avez mal compris une idée, ça ressortira aussi tôt.
Synthétiser
Et ça vous permet aussi très facilement de suivre mon 4ème conseil pour obtenir les réponses à vos questions, qui est à la fin de chaque discussion, c’est-à-dire pour chacune de vos questions, de synthétiser ce qui vient d’être dit. De résumer en quelques mots les grandes idées principales. L’idée c’est de s’assurer que tout à été dit. Cela donne l’occasion à la personne qui n’a pas oser ajouter son grain de sel de le faire. Et ça permet aussi de dégager un certain consensus du groupe ou à l’inverse d’identifier des courants contradictoires.
Tout ça vous sera extrêmement utile pour l’analyse à l’issue de votre focus group.
2 types d’exercices principaux
Mais alors vous allez me dire, ok mais comment est-ce que je pose mes questions ? Est-ce qu’il y a des façons de faire pour obtenir de vraies réponses en profondeur, de vraies réflexions et pas seulement les idées reçues du genre « j’aime bien ce visuel » qui franchement ne nous aide pas beaucoup.
Evidemment oui !
Vous pouvez proposer des exercices, ou plutôt des ateliers (c’est plus agréable comme terme qu’exercice). Pour moi, il y a deux grands types d’ateliers que vous pouvez proposer : la réflexion personnelle et la réflexion de groupe.
La réflexion personnelle
Alors la réflexion personnelle, c’est demander à chacun de réfléchir à une question sans échanger avec le reste du groupe. Ça permet d’éviter l’influence du group a priori et en général ça génère une plus grande variété d’idées.
Le principe est simple : vous posez une question ouverte et vous demandez aux participant de noter toutes leurs idées, tout ce qui leur vient à l’esprit sur des post-it. Une idée par post-it. C’est le principe de l’écriture automatique, donc pas de censure, toutes les idées même les plus farfelues sont intéressantes. Vous vous donnez un temps défini, par exemple 5 minutes. Et à l’issue des 5 minutes chaque personne vient présenter ces idées aux autres et colle ses post-it au mur.
Dans l’idéal, vous connaissez déjà un peu votre audience donc vous avez vous-même réfléchi aux réponses en amont. Il y a de bonnes chances pour que vous ayez déjà identifier les grands thèmes ou au moins une partie des grands thèmes qui seront abordés, ce qui vous permettra assez facilement de classer ces post-it.
Ce sera un très bon support tout au long de l’entretien pour faire ressortir des thèmes que les participants voudront aborder.
La réflexion de groupe
Le second type d’atelier, c’est l’inverse, c’est-à-dire la réflexion de groupe. Ce que l’on va chercher là c’est l’émulation des idées, les accords et les désaccords. La réflexion de chacun va permettre de pousser un peu plus loin la réflexion des autres. On rebondit sur les idées des uns et des autres.
Ça permet vraiment de creuser un sujet et de confronter les opinions.
Le principe c’est de poser une question et de laisser chaque participante intervenir librement en discussion ouverte.
Rien ne vous empêche d’accompagner le propos d’un support. Ça peut être un visuel, une bande sonore, une maquette de packaging, enfin ce que vous voulez en fonction du propos et qui va permettre d’étoffer le discours.
Typiquement pour ce genre d’exercice, je vous conseille de noter au fur et à mesure les éléments sur votre paperboard comme on en a parlé tout à l’heure, histoire d’ancrer les idées et de revenir dessus si besoin.
Temps et Matériel
Alors justement, puisqu’on parle de paperboard, parlons matériel. Parce que pour réussir votre focus group, il vous faut un minimum de matériel. Et ce n’est pas une fois que vous aurez vos participants dans la salle que vous pourrez vous soucier de rassembler tout ce qu’il vous faut ou de faire un saut un supermarché du coin…
Alors ma petite liste d’indispensables :
La première des choses, évidemment trouver un lieu approprié pour recevoir les participants. Il vous faut un endroit accueillant et au calme. Si vous voulez que les gens se livrent et vous disent tout ce qu’ils pensent, il faut absolument vous assurer qu’il n’y a pas d’oreilles qui traînent. Donc par pitié, évitez le café du coin. Pas de panique, il n’est pas forcément nécessaire de louer une salle, rien ne vous empêche de les recevoir chez vous. Mais dans ce cas, là désolée mais il serait préférable d’envoyer conjoints et enfants se promener ailleurs…
Toujours sur le thème de l’accueil, il va vous falloir autant de chaises que de participants. Idéalement des chaises confortables, évitez le tabouret, sans dossier difficile de rester concentré deux bonnes heures. Et puis pour éviter le coup de pompe, pensez aux boissons et à un petit encas. Pensez jus de fruit, thé, café, petits biscuits et pourquoi pas mini sandwich si c’est l’heure de dîner ou de déjeuner.
Ensuite il faut penser au petit matériel nécessaire à l’entretien : donc il vous faudra des post it en quantité (vous n’imaginez pas la quantité de post-it qui peut être utilisée sur un exercice) et des feutres (je vous conseille des feutres plutôt que des stylos pour éviter de trop écrire sur les post-it justement. Il vous faudra aussi un mur ou une grande fenêtre pour coller les post-it lors de la restitution.
Bien sûr un paperboard pour écrire tout ce qui est dit
Et puis une horloge ou un timer. Pour éviter les discussions interminables, je vous conseille de prévoir un temps défini à chaque exercice. Ça vous évitera de dépasser les 2 heures que vous avez annoncé aux participants. On a tous une vie, ils ont peut-être envie de rentrer chez eux à un moment.
Résumé
On touche à la fin de cet épisode. On a parlé de beaucoup de choses pour vous permettre d’organiser vous-même un focus group pour valider un élément de votre stratégie de communication.
Alors pour résumer ce qu’on s’est dit, on commence par définir un objectif précis et identifier les éléments nécessaires pour remplir cet objectif. C’est ce qui va nous permettre de créer un guide d’entretien structuré.
Ensuite on a parlé de 4 techniques essentielles pour diriger un entretien :
Le premier, s’assurer que l’on donne la parole à tous
Le second, répéter ou reformuler pour relancer la discussion, un peu à la façon d’un psy
La troisième, écrire pour ancrer les idées
Et la dernière, synthétiser pour valider qu’on est allé jusqu’au bout et préparer l’analyse
On a également parlé de 2 types d’ateliers à proposer à vos invités : la réflexion personnelle pour générer un maximum d’idées et la réflexion de groupe pour creuser un sujet en profondeur.
Et puis pour finir, on a parlé logistique, c’est-à-dire prévoir un lieu propice à la discussion et vous assurer d’avoir sous la main tout le petit matériel nécessaire à la génération d’idée dans les meilleures conditions.
Conclusion
Alors voilà, le focus group est un formidable outil pour vous permettre de valider votre stratégie de communication. On se dit souvent qu’organiser un focus group coûte cher, parce qu’il faut passer par des professionnels. Alors clairement, un cabinet d’étude obtiendra une analyse bien plus pointue que nous. Mais si on n’en a pas les moyens (et on peut se le dire, c’est souvent le cas), on peut tout à fait en organiser un soi-même et obtenir énormément d’informations essentielles qui vont nous permettre d’avancer dans le bon sens, et ça c’est primordial.
Alors comme d’habitude, j’espère que vous aurez trouvé cet épisode intéressant et utile. Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à vous abonner au podcast, soit sur votre application préférée, soit directement sur le site lepodcastdumarketing.com/newsletter. Ça vous permettra d’être avertie à la sortie de chaque nouvel épisode.
Et puis si vous voulez soutenir le Podcast du Marketing et m’aider à le faire connaître au plus grand nombre, le meilleur moyen c’est de laisser un avis 5 étoiles sur ITunes.
Je vous dis à très vite.
Épisodes en lien avec le thème :